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la théorie physique et l'expérience

comble un très vaste système théorique, qui représente d’une manière très satisfaisante un ensemble très étendu et très complexe de lois expérimentales. Le second parti, au contraire, ne fait rien perdre du terrain déjà conquis à la théorie physique ; de plus, il a réussi dans un si grand nombre de cas que nous sommes fondés à escompter un nouveau succès. Mais dans cette confiance accordée à la loi de la chute des graves, nous ne voyons rien d’analogue à la certitude que la définition géométrique tire de son essence même, à cette certitude par laquelle on serait insensé si l’on allait douter que les divers points d’une circonférence ne fussent tous équidistants du centre.

Nous ne trouvons ici qu’une application particulière du principe posé au § 2. Un désaccord entre les faits concrets qui composent une expérience, et la représentation symbolique que la théorie substitue à cette expérience, nous prouve que quelque partie de ce symbole est à rejeter. Mais quelle partie ? C’est ce que l’expérience ne nous dit pas, ce qu’elle laisse à notre sagacité le soin de deviner. Or, parmi les éléments théoriques qui entrent dans la composition de ce symbole, il en est toujours un certain nombre que les physiciens d’une certaine époque s’accordent à accepter sans contrôle, qu’ils regardent comme hors de conteste. Dès lors, le physicien qui doit modifier ce symbole fera sûrement porter sa modification sur des éléments autres que ceux-là.

Mais ce qui pousse le physicien à agir ainsi, ce n’est point une nécessité logique ; en agissant autrement il pourrait être maladroit et mal inspiré ; il ne marcherait pas, pour cela, sur les traces du géomètre assez