Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
346
la structure de la théorie physique

avons eu raison de regarder la chute étudiée comme une chute libre, d’exiger que la définition théorique de ces mots s’accorde avec nos observations ; dans ce cas, puisque notre définition théorique ne satisfait pas à cette exigence, elle doit être rejetée ; il nous faut construire une autre Mécanique sur des hypothèses nouvelles. Mécanique en laquelle les mots « chute libre » signifieront non plus « chute uniformément accélérée », mais « chute dont l’accélération varie suivant une certaine loi ».

En second lieu, nous pouvons déclarer que nous avons eu tort d’établir un rapprochement entre la chute concrète que nous avons observée et la chute libre symbolique définie par notre théorie ; que celle-ci était un schéma trop simplifié de celle-là ; que, pour représenter convenablement la chute sur laquelle nos expériences ont porté, le théoricien doit imaginer non plus un grave tombant librement, mais un grave gêné par certains obstacles tels que la résistance de l’air ; qu’en figurant l’action de ces obstacles au moyen d’hypothèses appropriées, il composera un schéma plus compliqué que le grave libre, mais plus apte à reproduire les détails de l’expérience ; en résumé, selon le langage que nous avons précédemment fixé (ch. iv, § 3), nous pouvons chercher à éliminer, au moyen de corrections convenables, les causes d’erreur, telles que la résistance de l’air, qui influaient sur notre expérience.

M. Le Roy affirme que nous prendrons le second parti et non le premier ; en quoi il a assurément raison. Les causes qui nous dicteront cette détermination sont aisées à apercevoir. En prenant le premier parti, nous serions obligés de détruire de fond en