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la théorie physique et l'expérience

nant deux sens distincts. Pour l’homme ignorant des théories physiques, ils ont leur signification réelle signifient ce que le sens commun entend en les prononçant ; pour le physicien, ils ont un sens symbolique, ils signifient « chute uniformément accélérée ». La théorie n’aurait pas rempli son but si le second sens n’était point le signe du premier, si une chute, regardée comme libre par le sens commun, n’était pas également une chute d’accélération uniforme, ou à peu près uniforme, les constatations du sens commun étant essentiellement, nous l’avons dit, des constatations dénuées de précision.

Cet accord, faute duquel la théorie eût été rejetée sans plus ample informé, se produit ; une chute que le sens commun déclare à peu près libre est aussi une chute dont l’accélération est à peu près constante. Mais la constatation de cet accord, grossièrement approximatif, ne nous contente pas ; nous voulons pousser plus loin et dépasser le degré de précision auquel peut prétendre le sens commun. À l’aide de la théorie que nous avons imaginée, nous combinons des appareils propres à reconnaître avec sensibilité si la chute d’un corps est ou n’est pas uniformément accélérée ; ces appareils nous montrent qu’une certaine chute, regardée par le sens commun comme une chute libre, a une accélération légèrement variable. La proposition qui, dans notre théorie, donne son sens symbolique au mot « chute libre » ne représente pas avec une exactitude suffisante les propriétés de la chute réelle et concrète que nous avons observée.

Deux partis s’offrent alors à nous.

En premier lieu, nous pouvons déclarer que nous