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la structuture de la physique

tions[1] consistant exclusivement à ériger en lois générales non pas l’interprétation, mais le résultat même d’un très grand nombre d’expériences ».

De cette erreur, une autre est bien voisine ; elle consiste à exiger que toutes les opérations faites par le mathématicien au cours des déductions qui relient les postulats aux conclusions aient un sens physique ; à ne vouloir « raisonner[2] que sur des opérations réalisables » ; à « n’introduire que des grandeurs accessibles à l’expérience ».

Selon cette exigence, toute grandeur introduite par le physicien dans ses formules devrait être reliée, par l’intermédiaire d’un procédé de mesure, à une propriété d’un corps ; toute opération algébrique effectuée sur ces grandeurs devrait, par l’emploi de ces procédés de mesure, se traduire en langage concret ; ainsi traduite, elle devrait exprimer un fait réel ou possible.

Semblable exigence, légitime lorsqu’il s’agit des formules finales auxquelles aboutit la théorie, n’a aucune raison d’être en ce qui concerne les formules et les opérations intermédiaires qui établissent le passage des postulats aux conclusions.

Prenons un exemple :

J. Willard Gibbs a étudié théoriquement la dissociation d’un composé gazeux parfait en ses éléments, regardés également comme des gaz parfaits. Une formule a été obtenue, qui exprime la loi de l’équilibre chimique au sein d’un tel système. Je me propose de discuter cette formule. Dans ce but, laissant inva-

  1. Gustave Robin : OEuvres scientifiques. Thermodynamique générale. Introduction, p. xiv.
  2. G. Robin, loc. cit.