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la théorie physique et l’expérience

justesse de son intelligence est moindre, il apprendra par cœur ces mots au sens imprécis, ces descriptions d’expériences irréalisées et irréalisables, ces raisonnements qui sont des tours de passe-passe, perdant à ce travail de mémoire irraisonnée le peu de sens droit et d’esprit critique qu’il possédait.

L’élève, au contraire, qui aura saisi d’une vue claire les idées que nous venons de formuler aura fait plus que d’apprendre un certain nombre de propositions de Physique ; il aura compris quelle est la nature et quelle est la véritable méthode de la Science expérimentale[1].



§ VII.Conséquences relatives au développement mathématique de la Théorie physique.

Par les précédentes discussions, l’exacte nature de la théorie physique et des liens qu’elle a avec l’expérience nous apparaît de plus en plus nette et précise.

Les matériaux avec lesquels cette théorie se construit sont, d’un côté, les symboles mathématiques qui lui servent à représenter les diverses quantités et les diverses qualités du monde physique ; de l’autre côté, les postulats généraux qui lui servent de principes. Avec ces matériaux, elle doit bâtir un édifice logique ; elle est donc tenue, en traçant le plan de cet édifice,

  1. On objectera sans doute qu’un tel enseignement de la Physique serait difficilement accessible à de jeunes intelligences ; la réponse est simple : que l’on n’expose pas la Physique aux esprits qui ne sont point encore prêts à l’assimiler. Mme de Sévigné disait, en parlant des jeunes enfants : « Avant de leur donner une nourriture de charretier, informez-vous donc s’ils ont un estomac de charretier. »