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la théorie physique et l’expérience

père ; c’est à l’aide de l’expérience à laquelle cet appareil était destiné que se devait déterminer la puissance de la distance selon laquelle procèdent les actions électrodynamiques. Bien loin donc que la théorie électrodynamique d’Ampère ait été entièrement déduite de l’expérience, l’expérience n’a eu qu’une part très faible à sa formation ; elle a été simplement l’occasion qui a éveillé l’intuition du physicien de génie, et cette intuition a fait le reste.

C’est par les recherches de Wilhelm Weber que la théorie tout intuitive d’Ampère a été pour la première fois soumise à une comparaison minutieuse avec les faits ; mais cette comparaison n’a point été menée par la méthode newtonienne ; de la théorie d’Ampère prise dans son ensemble, Weber a déduit certains effets susceptibles d’être calculés ; les théorèmes de la Statique et de la Dynamique, voire même certaines propositions d’Optique, lui ont permis d’imaginer un appareil, l’électrodynamomètre, par lequel ces mêmes effets peuvent être soumis à des mesures précises ; l’accord des prévisions du calcul avec les résultats des mesures confirme alors, non telle ou telle proposition isolée de la théorie d’Ampère, mais tout l’ensemble d’hypothèses électrodynamiques, mécaniques et optiques qu’il faut invoquer pour interpréter chacune des expériences de Weber.

Là donc où Newton avait échoué, Ampère, à son tour, et plus rudement encore, a achoppé. C’est que deux écueils inévitables rendent impraticable au physicien la voie purement inductive. En premier lieu, nulle loi expérimentale ne peut servir au théoricien avant d’avoir subi une interprétation qui la transforme en loi symbolique ; et cette interprétation im-