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la structure de la théorie physique

surtout quand elles ne sont pas obtenues avec les procédés et dans les conditions de véritables mesures, ce qu’il était d’ailleurs impossible de faire avec les instruments qu’employait Ampère ».

Des expériences aussi peu précises laissent au physicien le soin de choisir entre une infinité de traductions symboliques également possibles ; elles ne confèrent aucune certitude à un choix qu’elles n’imposent nullement ; seule, l’intuition, qui devine la forme de la théorie à établir, dirige ce choix. Ce rôle de l’intuition est particulièrement important dans l’œuvre d’Ampère ; il suffit de parcourir les écrits de ce grand géomètre pour reconnaître que sa formule fondamentale de l’Électrodynamique a été trouvée tout entière par une sorte de divination ; que les expériences invoquées par lui ont été imaginées après coup, et combinées tout exprès, afin qu’il pût exposer selon la méthode newtonienne une théorie qu’il avait construite par une série de postulats.

Ampère avait d’ailleurs trop de candeur pour dissimuler bien savamment ce que son exposition entièrement déduite de l’expérience avait d’artificiel ; à la fin de sa Théorie mathématique des phénomènes électrodynamiques, il écrit les lignes suivantes : « Je crois devoir observer, en finissant ce Mémoire, que je n’ai pas encore eu le temps de faire construire les instruments représentés dans la figure 4 de la planche première et dans la figure 20 de la seconde planche. Les expériences auxquelles ils sont destinés n’ont donc pas encore été faites. » Or, le premier des deux appareils dont il est ici question avait pour objet de réaliser le dernier des quatre cas d’équilibre fondamentaux qui sont comme les colonnes de l’édifice construit par Am-