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la théorie physique et l’expérience

manière générale, qu’elle a donné le résultat qu’on en attendait ; il est indispensable d’entrer dans les détails de l’expérience elle-même, de dire combien de fois elle a été répétée, comment on en a modifié les conditions et quel a été l’effet de ces modifications ; en un mot, de livrer une espèce de procès-verbal de toutes les circonstances permettant au lecteur d’asseoir un jugement sur le degré de sûreté et de certitude du résultat. Ampère ne donne point ces détails précis sur ses expériences, et la démonstration de la loi fondamentale de l’Électrodynamique attend encore ce complément indispensable. Le fait de l’attraction mutuelle de deux fils conducteurs a été vérifié maintes et maintes fois et est hors de tout conteste ; mais ces vérifications ont toujours été faites dans des conditions et avec des moyens tels qu’aucune mesure quantitative n’était possible, et il s’en faut que ces mesures aient jamais atteint le degré de précision qui était nécessaire pour qu’on pût considérer la loi de ces phénomènes comme démontrée. »

« Plus d’une fois. Ampère a tiré de l’absence de toute action électrodynamique les mêmes conséquences que d’une mesure qui lui aurait donné un résultat égal à zéro et, par cet artifice, avec une grande sagacité et une habileté plus grande encore, il est parvenu à réunir les données nécessaires à l’établissement et à la démonstration de sa théorie ; mais ces expériences négatives, dont il faut se contenter en l’absence de mesures positives directes », ces expériences où toutes les résistances passives, tous les frottements, toutes les causes d’erreur, tendent précisément à produire l’effet que l’on souhaite d’observer, « ne peuvent avoir toute la valeur ni la force démonstrative de ces mesures positives,