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la théorie physique et l’expérience

vées une à une ; chacune d’elles ne devrait être acceptée que si elle présentait toute la certitude que la méthode expérimentale peut conférer à une proposition abstraite et générale ; c’est-à-dire qu’elle serait nécessairement, ou bien une loi tirée de l’observation par le seul usage de ces deux opérations intellectuelles que l’on nomme l’induction et la généralisation, ou bien un corollaire mathématiquement déduit de telles lois ; une théorie fondée sur de telles hypothèses ne présenterait plus rien d’arbitraire ni de douteux ; elle mériterait toute la confiance dont sont dignes les facultés qui nous servent à formuler les lois naturelles.

C’est une telle théorie physique que préconisait Newton, lorsqu’au Scholium generale qui couronne le livre des Principes, il rejetait si résolument hors de la Philosophie naturelle toute hypothèse que l’induction n’a point extraite de l’expérience ; lorsqu’il affirmait qu’en la saine Physique toute proposition doit être tirée des phénomènes et généralisée par induction.

La méthode idéale que nous venons de décrire mérite donc très justement d’être nommée méthode newtonienne. Newton, d’ailleurs, ne l’a-t-il pas suivie lorsqu’il a établi le système de l’attraction universelle, joignant ainsi à ses préceptes le plus grandiose des exemples ? Sa théorie de la gravitation ne se tire-t-elle pas tout entière des lois que l’observation a révélées à Kepler, lois que le raisonnement problématique transforme et dont l’induction généralise les conséquences ?

Cette première loi de Kepler : « Le rayon vecteur qui va du Soleil à une planète balaye une aire propor-