Un pareil mode de démonstration semble aussi convaincant, aussi irréfutable que la réduction à l’absurde, usuelle aux géomètres ; c’est, du reste, sur la réduction à l’absurde que cette démonstration est calquée, la contradiction expérimentale jouant dans l’une le rôle que la contradiction logique joue dans l’autre.
En réalité, il s’en faut bien que la valeur démonstrative de la méthode expérimentale soit aussi rigoureuse, aussi absolue ; les conditions dans lesquelles elle fonctionne sont beaucoup plus compliquées qu’il n’est supposé dans ce que nous venons de dire ; l’appréciation des résultats est beaucoup plus délicate et sujette à caution.
Un physicien se propose de démontrer l’inexactitude d’une proposition ; pour déduire de cette proposition la prévision d’un phénomène, pour instituer l’expérience qui doit montrer si ce phénomène se produit ou ne se produit pas, pour interpréter les résultats de cette expérience et constater que le phénomène prévu ne s’est pas produit, il ne se borne pas à faire usage de la proposition en litige ; il emploie encore tout un ensemble de théories, admises par lui sans conteste ; la prévision du phénomène dont la non-production doit trancher le débat ne découle pas de la proposition litigieuse prise isolément, mais de la proposition litigieuse jointe à tout cet ensemble de théories ; si le phénomène prévu ne se produit pas, ce n’est pas la proposition litigieuse seule qui est mise en défaut, c’est tout l’échafaudage théorique dont le physicien a fait usage ; la seule chose que nous apprenne l’expérience, c’est que parmi toutes les propositions qui ont servi à prévoir ce phénomène et à constater qu’il ne se produisait pas, il