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la structure de la théorie physique

théories de la Physique d’avec les procédés expérimentaux propres à contrôler ces mêmes théories, complique singulièrement ce contrôle et nous oblige à en examiner minutieusement le sens logique.

À dire vrai, le physicien n’est pas le seul qui fasse appel aux théories dans le moment même qu’il expérimente ou qu’il relate le résultat de ses expériences ; le chimiste, le physiologiste, lorsqu’ils font usage des instruments de Physique, du thermomètre, du manomètre, du calorimètre, du galvanomètre, du saccharimètre, admettent implicitement l’exactitude des théories qui justifient l’emploi de ces appareils, des théories qui donnent un sens aux notions abstraites de température, de pression, de quantité de chaleur, d’intensité de courant, de lumière polarisée, par lesquelles on traduit les indications concrètes de ces instruments. Mais les théories dont ils font usage, comme les instruments qu’ils emploient, sont du domaine de la Physique ; en acceptant, avec les instruments, les théories sans lesquelles leurs indications seraient dénuées de sens, c’est au physicien que le chimiste et le physiologiste donnent leur confiance, c’est le physicien qu’ils supposent infaillible. Le physicien, au contraire, est obligé de se fier à ses propres idées théoriques ou à celles de ses semblables. Au point de vue logique, la différence est de peu d’importance ; pour le physiologiste, pour le chimiste, comme pour le physicien, l’énoncé du résultat d’une expérience implique, en général, un acte de foi en tout un ensemble de théories.