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l’objet de la théorie physique

Denis Papin, c’est… que vous croyez que la dureté parfaite est de l’essence des corps ; il me semble que c’est là supposer une qualité inhérente qui nous éloigne des principes mathématiques ou méchaniques. » L’atomiste Huygens, il est vrai, ne traitait pas moins durement l’opinion cartésienne : « Vostre autre difficulté, répond-il à Papin[1], est que je suppose que la dureté est de l’essence des corps, au lieu qu’avec M. des Cartes, vous n’y admettez que leur étendue. Par où je vois que vous ne vous estes pas encore défait de cette opinion que, depuis longtemps, j’estime très absurde. »

Il est clair qu’en mettant la Physique théorique sous la dépendance de la Métaphysique, on ne contribue pas à lui assurer le bénéfice du consentement universel.


§ V. — Aucun système métaphysique ne suffit à édifier une théorie physique.

Chacune des Écoles métaphysiques reproche à ses rivales de faire appel, dans ses explications, à des notions qui sont elles-mêmes inexpliquées, qui sont de véritables qualités occultes. Ce reproche, ne pourrait-elle pas, presque toujours, se l’adresser à elle-même ?

Pour que les philosophes appartenant à une certaine École se déclarent pleinement satisfaits d’une théorie édifiée par les physiciens de la même École, il faudrait que tous les principes employés dans cette

  1. Christian Huygens à Denis Papin, 2 septembre 1690. (Œuvres complètes de Huygens, t. IX, p. 484.)