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la structure de la théorie physique

par les expériences que nous avons relatées. Ces restrictions sont-elles les seules qui doivent être apportées à son énoncé ? Les expériences qui seront faites dans l’avenir n’en indiqueront-elles point d’autres, aussi essentielles que les premières ? Quel physicien oserait se prononcer à cet égard et affirmer que l’énoncé actuel est non point provisoire, mais définitif ?

Les lois de la Physique sont donc provisoires en ce que les symboles sur lesquels elles portent sont trop simples pour représenter complètement la réalité ; toujours il se trouve des circonstances où le symbole cesse de figurer les choses concrètes, où la loi cesse d’annoncer exactement les phénomènes ; l’énoncé de la loi doit donc être accompagné de restrictions qui permettent d’éliminer ces circonstances ; ces restrictions, ce sont les progrès de la Physique qui les font connaître ; jamais il n’est permis d’affirmer que l’on en possède l’énumération complète, que la liste dressée ne subira aucune addition ni aucune retouche.

Ce travail de continuelles retouches, par lequel les lois de la Physique évitent de mieux en mieux les démentis de l’expérience, joue un rôle tellement essentiel dans le développement de la Science, qu’on nous permettra d’insister quelque peu à son endroit et d’en étudier la marche sur un second exemple.

De toutes les lois de la Physique, la mieux vérifiée par ses innombrables conséquences est assurément la loi de l’attraction universelle ; les observations les plus précises sur les mouvements des astres n’ont pu, jusqu’ici, la mettre en défaut. Est-ce, cependant, une loi définitive ? Non pas, mais une loi provisoire, qui doit se modifier et se compléter sans cesse pour se mettre d’accord avec l’expérience.