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la loi physique

le physicien le prévoit, des conditions seront réalisées où cette loi, à son tour, se trouvera en défaut ; ce jour-là, il faudra reprendre la représentation symbolique du gaz étudié, y ajouter de nouveaux éléments, énoncer une loi plus compréhensive. Le symbole mathématique forgé par la théorie s’applique à la réalité comme l’armure au corps d’un chevalier bardé de fer ; plus l’armure est compliquée, plus le métal rigide semble prendre de souplesse ; la multitude des pièces qui s’imbriquent comme des écailles assure un contact plus parfait entre l’acier et les membres qu’il protège ; mais, si nombreux que soient les fragments qui la composent, jamais l’armure n’épousera exactement le modelé du corps humain.

J’entends ce que l’on va m’objecter. On me dira que la loi de compressibilité et de dilatation formulée tout d’abord n’a nullement été renversée par les expériences ultérieures ; qu’elle demeure la loi selon laquelle l’oxygène se comprime et se dilate lorsqu’il est soustrait à toute action électrique ou magnétique ; les recherches du physicien nous ont enseigné seulement qu’à cette loi, dont la valeur était maintenue, il convenait de joindre la loi de compressibilité du gaz électrisé et la loi de compressibilité du gaz aimanté.

Ceux-là mêmes qui prennent les choses de ce biais doivent reconnaître que la loi primitive nous pourrait conduire à de graves méprises si nous l’énoncions sans précaution ; que le domaine où elle règne doit être délimité par cette double restriction : le gaz étudié est soustrait à toute action électrique et à toute action magnétique ; or, la nécessité de cette restriction n’apparaissait point tout d’abord ; elle a été imposée