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la loi physique

absolue. Une proposition n’est une loi que parce que, vraie aujourd’hui, elle le sera encore demain ; vraie pour celui-ci, elle l’est encore pour celui-là. Dire d’une loi qu’elle est provisoire, qu’elle peut être acceptée par l’un et rejetée par l’autre, ne serait-ce pas énoncer une contradiction ? Oui, assurément, si l’on entend par lois celles que nous révèle le sens commun, celles dont on peut dire, au sens propre du mot, qu’elles sont vraies ; une telle loi ne peut être vraie aujourd’hui et fausse demain ; elle ne peut être vraie pour vous et fausse pour moi. Non, si l’on entend par lois les lois que la Physique énonce sous forme mathématique. Une telle loi est toujours provisoire ; non pas qu’il faille entendre par là qu’une loi de Physique est vraie pendant un certain temps et fausse ensuite, car elle n’est à aucun moment ni vraie ni fausse ; elle est provisoire parce qu’elle représente les faits auxquels elle s’applique avec une approximation que les physiciens jugent actuellement suffisante, mais qui cessera un jour de les satisfaire. Une telle loi est toujours relative, non pas qu’elle soit vraie pour un physicien et fausse pour un autre ; mais parce que l’approximation qu’elle comporte suffit à l’usage qu’en veut faire le premier physicien et point à l’usage qu’en veut faire le second.

Le degré d’approximation d’une expérience n’est pas, nous l’avons fait remarquer, quelque chose de fixe ; il croît au fur et à mesure que les instruments deviennent plus parfaits, que les causes d’erreur sont plus strictement évitées, ou que des corrections plus précises permettent de les mieux évaluer. Au fur et à mesure que les méthodes expérimentales progressent, l’indétermination du symbole abstrait que l’expérience