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la loi physique

moment, de l’exactitude de cette loi. À une même température, les volumes occupés par une même masse de gaz sont en raison inverse des pressions qu’elle supporte : tel est l’énoncé de la loi de Mariotte. Les termes qu’elle fait intervenir, les idées de masse, de température, de pression, sont encore des idées abstraites ; mais ces idées ne sont pas seulement abstraites, elles sont, de plus, symboliques, et les symboles qu’elles constituent ne prennent un sens que grâce aux théories physiques. Plaçons-nous en face d’un cas réel, concret, auquel nous vouions appliquer la loi de Mariotte ; nous n’aurons pas affaire à une certaine température concrète réalisant l’idée générale de température, mais à du gaz plus ou moins chaud ; nous n’aurons pas devant nous une certaine pression particulière réalisant l’idée générale de pression, mais une certaine pompe sur laquelle on a pesé d’une certaine manière. Sans doute, à ce gaz plus ou moins chaud correspond une certaine température, à cet effort exercé sur la pompe correspond une certaine pression ; mais cette correspondance est celle d’une chose signifiée au signe qui la remplace, d’une réalité au symbole qui la représente. Cette correspondance n’est nullement immédiate ; elle s’établit au moyen des instruments, par l’intermédiaire souvent très long et très compliqué des mesures ; pour attribuer une température déterminée à ce gaz plus ou moins chaud, il faut recourir au thermomètre ; pour évaluer sous forme de pression l’effort exercé par la pompe, il faut se servir du manomètre, et l’usage du thermomètre, l’usage du manomètre, impliquent, nous l’avons vu au Chapitre précédent, l’usage des théories physiques.