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la structure de la théorie physique

de deux appareils : l’appareil réel que l’observateur manipulait, et l’appareil idéal et schématique sur lequel il raisonnait. La comparaison de ces deux appareils, il nous la faut reprendre et, pour cela, les connaître exactement tous deux. Du second, nous pouvons avoir une connaissance adéquate, car il est défini par des symboles mathématiques et des formules. Mais il n’en est pas de même du premier ; nous devons nous en faire une idée aussi exacte que possible d’après la description que nous en fait l’expérimentateur ; cette description est-elle suffisante ? Nous fournit-elle tous les renseignements qui nous peuvent être utiles ? L’état des corps étudiés, leur degré de pureté chimique, les conditions dans lesquelles ils se trouvaient placés, les actions perturbatrices qu’ils pouvaient éprouver, les mille accidents qui pouvaient influer sur le résultat de l’expérience ont-ils été déterminés avec une minutie qui ne laisse rien à désirer ?

Une fois que nous aurons répondu à toutes ces questions, nous pourrons examiner jusqu’à quel point l’appareil schématique offrait de l’appareil concret une image ressemblante ; nous pourrons rechercher s’il n’y aurait pas eu avantage à accroître cette ressemblance en compliquant la définition de l’appareil idéal ; nous pourrons nous demander si l’on a éliminé toutes les causes d’erreur systématiques de quelque importance, si l’on a fait toutes les corrections souhaitables.

L’expérimentateur a employé, pour interpréter ses observations, des théories que nous acceptons comme lui ; il a correctement appliqué, au cours de cette interprétation, les règles que prescrivent ces théo-