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l’expérience de physique

et l’on s’étonnera de nous voir insister à leur endroit ; cependant, si ces règles sont banales, il est encore plus banal d’y manquer. Que de discussions scientifiques où chacun des deux tenants prétend écraser son adversaire sous le témoignage irrécusable des faits ! On s’oppose l’un à l’autre des observations contradictoires. La contradiction n’est pas dans la réalité, toujours d’accord avec elle-même ; elle est entre les théories par lesquelles chacun des deux champions exprime cette réalité. Que de propositions regardées comme de monstrueuses erreurs dans les écrits de ceux qui nous ont précédés ! On les célébrerait peut-être comme de grandes vérités, si l’on voulait bien s’enquérir des théories qui donnent leur vrai sens à ces propositions, si l’on prenait soin de les traduire dans la langue des théories prônées aujourd’hui.

Supposons que nous ayons constaté l’accord entre les théories admises par un expérimentateur et celles que nous regardons comme exactes ; il s’en faut bien que nous puissions d’emblée faire nôtres les jugements par lesquels il énonce les résultats de ses expériences ; il nous faut maintenant examiner si, dans l’interprétation des faits observés, il a correctement appliqué les règles tracées par les théories qui nous sont communes ; parfois, nous constaterons que l’expérimentateur n’a pas satisfait à toutes les exigences légitimes ; en appliquant les théories, il aura commis une faute de raisonnement ou de calcul ; alors, le raisonnement devra être repris ou le calcul refait ; le résultat de l’expérience devra être modifié, le nombre obtenu remplacé par un autre nombre.

L’expérience faite a été une continuelle juxtaposition