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déduction mathématique et théorie physique

tiques qu’il fournit au géomètre équivalent, pour celui-ci, à une infinité de données théoriques voisines les unes des autres, mais cependant distinctes ; peut-être, parmi ces données, en est-il qui maintiendraient éternellement tous les astres à distance finie, tandis que d’autres rejetteraient quelqu’un des corps célestes dans l’immensité. Si une telle circonstance, analogue à celle qui s’est offerte dans le problème traité par M. Hadamard, se présentait ici, toute déduction mathématique relative à la stabilité du système solaire serait, pour le physicien, une déduction à tout jamais inutilisable.

On ne peut parcourir les nombreuses et difficiles déductions de la Mécanique céleste et de la Physique mathématique, sans redouter, pour beaucoup de ces déductions, une condamnation à l’éternelle stérilité.

En effet, une déduction mathématique n’est pas utile au physicien tant qu’elle se borne à affirmer que telle proposition, rigoureusement vraie, a pour conséquence l’exactitude rigoureuse de telle autre proposition. Pour être utile au physicien, il lui faut encore prouver que la seconde proposition reste à peu près exacte lorsque la première est seulement à peu près vraie. Et cela ne suffit pas encore ; il lui faut délimiter l’amplitude de ces deux à peu près ; il lui faut fixer les bornes de l’erreur qui peut être commise sur le résultat, lorsque l’on connaît le degré de précision des méthodes qui ont servi à mesurer les données ; il lui faut définir le degré d’incertitude que l’on pourra accorder aux données, lorsqu’on voudra connaître le résultat avec une approximation déterminée.

Telles sont les conditions rigoureuses que l’on est tenu d’imposer à la déduction mathématique si l’on