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déduction mathématique et théorie physique

respondre à ce nombre un fait concret et observable ; par exemple, pour faire correspondre une certaine indication du thermomètre à la valeur numérique prise par la lettre que contenait l’équation algébrique.

Ainsi, à son point de départ comme à son point d’arrivée, le développement mathématique d’une théorie physique ne peut se souder aux faits observables que par une traduction. Pour introduire dans les calculs les circonstances d’une expérience, il faut faire une version qui remplace le langage de l’observation concrète par le langage des nombres ; pour rendre constatable le résultat que la théorie prédit à cette expérience, il faut qu’un thème transforme une valeur numérique en une indication formulée dans la langue de l’expérience. Les méthodes de mesure sont, nous l’avons déjà dit, le vocabulaire qui rend possibles ces deux traductions en sens inverse.

Mais qui traduit, trahit ; traduttore, traditore ; il n’y a jamais adéquation complète entre les deux textes qu’une version fait correspondre l’un à l’autre. Entre les faits concrets, tels que le physicien les observe, et les symboles numériques par lesquels ces faits sont représentés dans les calculs du théoricien, la différence est extrême. Cette différence, nous aurons, plus tard, occasion de l’analyser et d’en marquer les principaux caractères. Pour le moment, un seul de ces caractères va retenir notre attention.

Considérons, tout d’abord, ce que nous nommerons un fait théorique c’est-à-dire cet ensemble de données mathématiques par lesquelles un fait concret est remplacé dans les raisonnements et les calculs du