Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
la structure de la théorie physique

Nous allons, dès lors, aborder immédiatement l’examen de la troisième opération constitutive de toute théorie, le développement mathématique.

La déduction mathématique est un intermédiaire ; elle a pour objet de nous enseigner qu’en vertu des hypothèses fondamentales de la théorie, la réunion de telles circonstances entraînera telles conséquences ; que tels faits se produisant, tel autre fait se produira ; de nous annoncer, par exemple, en vertu des hypothèses de la Thermodynamique, que si nous soumettons un bloc de glace à telle compression, ce bloc fondra lorsque le thermomètre marquera tel degré.

La déduction mathématique introduit-elle directement dans ses calculs les faits que nous nommons les circonstances sous la forme concrète où nous les observons ? En tire-t-elle le fait que nous nommons la conséquence sous la forme concrète où nous le constaterons ? Assurément non. Un appareil de compression, un bloc de glace, un thermomètre, sont des choses que le physicien manipule dans son laboratoire ; ce ne sont point des éléments sur lesquels le calcul algébrique ait prise. Le calcul algébrique ne combine que des nombres. Donc, pour que le mathématicien puisse introduire dans ses formules les circonstances concrètes d’une expérience, il faut que ces circonstances aient été, par l’intermédiaire de mesures, traduites en nombres ; que, par exemple, les mots : une telle pression, aient été remplacés par un certain nombre d’atmosphères, qu’il mettra dans son équation à la place de la lettre . De même, ce que le mathématicien obtiendra au bout de son calcul, c’est un certain nombre ; il faudra recourir aux méthodes de mesure pour faire cor-