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la structure de la théorie physique

petit nombre d’éléments ; mais ce jour, aucun signe certain ni probable ne permet d’en annoncer l’aurore. À l’époque où nous vivons, la Chimie progresse en découvrant sans cesse de nouveaux corps simples. Depuis un demi-siècle, les terres rares ne se lassent pas de fournir de nouveaux contingents à la liste déjà si longue des métaux ; le gallium, le germanium, le scandium, nous montrent les chimistes fiers d’inscrire en cette liste le nom de leur patrie. Dans l’air que nous respirons, mélange d’azote et d’oxygène qui paraissait connu depuis Lavoisier, voici que se révèle toute une famille de gaz nouveaux, l’argon, l’hélium, le xénon, le crypton. Enfin, l’étude des radiations nouvelles, qui obligera sûrement la Physique à élargir le cercle de ses qualités premières, fournit à la Chimie des corps inconnus jusqu’ici, le radium et, peut-être, le polonium et l’actinium.

Certes, nous voilà bien loin des corps admirablement simples que rêvait Descartes, de ces corps qui se réduisaient « à l’étendue et à son changement tout nud ». La Chimie étale une collection d’une centaine de matières corporelles irréductibles les unes aux autres, et à chacune de ces matières, la Physique associe une forme capable d’une multitude de qualités diverses. Chacune de ces deux sciences s’efforce de réduire autant qu’il se peut le nombre de ses éléments, et cependant, au fur et à mesure qu’elle progresse, elle voit ce nombre grandir.