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les qualités premières

mot est un acte de modestie, un aveu d’impuissance ; il confesse qu’un corps a victorieusement résisté à tous les essais tentés pour le réduire.

De cette modestie, la Chimie a été récompensée par une prodigieuse fécondité ; n’est-il pas légitime d’espérer qu’une modestie semblable procurera à la Physique théorique les mêmes avantages ?



§ III. — Une qualité première ne l’est jamais qu’à titre
provisoire.

« Nous ne pouvons donc pas assurer, dit Lavoisier[1], que ce que nous regardons comme simple aujourd’hui le soit en effet : tout ce que nous pouvons dire, c’est que telle substance est le terme actuel auquel arrive l’analyse chimique, et qu’elle ne peut plus se subdiviser au delà dans l’état actuel de nos connaissances. Il est à présumer que les terres cesseront bientôt d’être comptées au nombre des substances simples… »

En effet, en 1807, Humphry Davy transformait en vérité démontrée la divination de Lavoisier et prouvait que la potasse et la soude sont les oxydes de deux métaux qu’il nommait le potassium et le sodium. Depuis cette époque, une foule de corps qui avaient longtemps résisté à tout essai d’analyse ont été décomposés et se sont trouvés exclus du nombre des éléments.

Le titre d’élément, que portent certains corps, est un titre tout provisoire ; il est à la merci d’un moyen

  1. Lavoisier : Traité élémentaire de Chimie, troisième édition, t. I, p. 194.