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les qualités premières

l’action de deux conducteurs voltaïques, en supposant que des molécules électriques agissant en raison inverse du carré de la distance fussent distribuées sur les fils conducteurs. »

De toute nécessité, il faut, aux diverses parties d’un conducteur voltaïque, attribuer une propriété irréductible à l’électrisation ; il faut y reconnaître une nouvelle qualité première dont on exprimera l’existence en disant que le fil est parcouru par un courant ; ce courant électrique apparaît comme lié à une certaine direction, comme affecté d’un certain sens ; il se manifeste plus ou moins intense ; à cette intensité plus ou moins vive du courant électrique, le choix d’une échelle permet de faire correspondre un nombre plus ou moins grand, nombre auquel on a conservé le nom d’intensité du courant électrique ; cette intensité du courant électrique, symbole mathématique d’une qualité première, a permis à Ampère de développer cette théorie des phénomènes électrodynamiques, qui dispense les Français d’envier aux Anglais la gloire de Newton.

Le physicien qui demande à une doctrine métaphysique les principes selon lesquels il développera ses théories reçoit de cette doctrine les marques auxquelles il reconnaîtra qu’une qualité est simple ou complexe ; ces deux mots ont pour lui un sens absolu. Le physicien qui cherche à rendre ses théories autonomes et indépendantes de tout système philosophique attribue aux mots : qualité simple, propriété première, un sens tout relatif ; ils désignent simplement pour lui une propriété qu’il lui a été impossible de résoudre en d’autres qualités.