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les qualités premières

rences philosophiques tenues chez Gassendi, où le grand comique fréquentait.

Les Cartésiens, d’ailleurs, auraient tort de triompher trop bruyamment du commun ridicule où ils voient tomber Péripatéticiens et Atomistes ; c’est à un des leurs que Pascal songeait lorsqu’il écrivait[1]: « Il y en a qui vont jusqu’à cette absurdité d’expliquer un mot par le mot même. J’en sais qui ont défini la lumière en cette sorte : La lumière est un mouvement luminaire des corps lumineux ; comme si l’on pouvait entendre les mots de luminaire et de lumineux sans celui de lumière. » L’allusion, en effet, avait trait au P. Noël, autrefois professeur de Descartes au collège de La Flèche, devenu ensuite un de ses fervents disciples, et qui, dans une lettre sur le vide adressée à Pascal, avait écrit cette phrase : « La lumière, ou plutôt l’illumination, est un mouvement luminaire des rayons composés des corps lucides qui remplissent les corps transparents et ne sont mus luminairement que par d’autres corps lucides. »

Que l’on attribue la lumière à une vertu éclairante, à des corpuscules lumineux ou à un mouvement luminaire, on sera péripatéticien, atomiste ou cartésien ; mais si l’on se targue d’avoir par là ajouté quoi que ce soit à nos connaissances touchant la lumière, on ne sera point homme sensé. En toutes les Écoles se rencontrent des esprits faux qui s’imaginent remplir un flacon d’une précieuse liqueur alors qu’ils y collent seulement une pompeuse étiquette ; mais toutes les doctrines physiques, sainement interprétées, s’accordent

  1. Pascal : De l’esprit géométrique.