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quantité et qualité

autres ; on peut faire la somme de plusieurs nombres représentant des températures.

Ainsi, le choix d’une échelle permet de substituer à l’étude des diverses intensités d’une qualité la considération de nombres soumis aux règles du calcul algébrique. Les avantages que les anciens physiciens recherchaient en substituant une quantité hypothétique à la propriété qualitative que les sens leur révèlent et en mesurant la grandeur de cette quantité, on peut bien souvent le retrouver sans invoquer cette quantité supposée, simplement par le choix d’une échelle convenable.

La charge électrique nous en va fournir un exemple.

Ce que l’expérience nous montre d’abord en de très petits corps électrisés, c’est quelque chose de qualitatif ; bientôt, cette qualité, l’électrisation, cesse d’apparaître comme simple ; elle est susceptible de deux formes qui s’opposent l’une à l’autre et se détruisent l’une l’autre ; elle peut être résineuse ou vitrée.

Qu’elle soit résineuse ou vitrée, l’électrisation d’un petit corps peut être plus ou moins puissante ; elle est susceptible de diverses intensités.

Franklin, Œpinus, Coulomb, Laplace, Poisson, tous les créateurs de la science électrique, pensaient que les qualités ne sauraient être admises dans la constitution d’une théorie physique ; que, seules, les quantités y ont droit de cité. Donc, sous cette qualité, l’électrisation, que leurs sens leur révélaient, leur raison cherchait une quantité, la quantité d’électricité. Pour parvenir à concevoir cette quantité, ils imaginaient que chacune des deux électrisations était due à la présence, au sein du corps électrisé, d’un certain