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quantité et qualité

même espèce ne nous renseignent pleinement au sujet de ces grandeurs que si nous leur adjoignons la connaissance concrète de l’étalon qui représente l’unité.

Des géomètres ont concouru ; on me dit qu’ils ont mérité les notes 5, 10, 15 ; c’est là me fournir à leur égard un certain renseignement qui me permettra, par exemple, de les classer ; mais ce renseignement est incomplet ; il ne me permet pas de me faire une idée du talent de chacun d’eux ; j’ignore la valeur absolue des notes qui leur ont été attribuées ; il me manque de connaître l’échelle à laquelle ces notes sont rapportées.

De même, si l’on me dit seulement que les températures de divers corps sont représentées par les nombres 10, 20, 100, on m’apprend que le premier corps est moins chaud que le second et celui-ci moins chaud que le troisième. Mais le premier est-il chaud ou froid ? fait-il ou non fondre la glace ? le dernier me brûlerait-il ? cuirait-il un œuf ? Voilà ce que j’ignore, tant qu’on ne me donne pas l’échelle thermométrique à laquelle sont rapportées ces températures 10, 20, 100, c’est-à-dire un procédé me permettant de réaliser d’une manière concrète les intensités de chaleur que repèrent ces nombres 10, 20, 100. Si l’on me donne un vase de verre gradué contenant du mercure, et si l’on m’enseigne que la température d’une masse d’eau devra être prise égale à 10, ou à 20, ou à 100, toutes les fois qu’en y plongeant le thermomètre, on verra le mercure affleurer à la dixième division, ou à la vingtième, ou à la centième, mon incertitude sera entièrement dissipée. Toutes les fois que la valeur numérique d’une température me sera indiquée, je pourrai, si cela me plaît, réaliser effectivement une masse d’eau qui aura