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la structure de la théorie physique

bres. Si donc les grandeurs seules pouvaient être exprimées par des nombres, nous ne devrions introduire dans nos théories aucune notion qui ne fût une grandeur. Sans affirmer que tout est quantité dans le fond même des choses matérielles, nous n’admettrions rien que de quantitatif dans l’image que nous construisons de l’ensemble des lois physiques ; la qualité n’aurait aucune place dans notre système.

Or, à cette conclusion même, il n’y a point lieu de souscrire ; le caractère purement qualitatif d’une notion ne s’oppose pas à ce que les nombres servent à en figurer les divers états ; une même qualité peut se présenter avec une infinité d’intensités différentes ; ces intensités diverses, on peut, pour ainsi parler, les coter, les numéroter, marquant le même nombre en deux circonstances où la même qualité se retrouve avec la même intensité, signalant par un second nombre plus élevé que le premier un second cas où la qualité considérée est plus intense que dans un premier cas.

Par exemple, c’est une qualité d’être géomètre ; lorsqu’un certain nombre de jeunes géomètres subissent un concours, l’examinateur qui les doit juger attribue une note à chacun d’eux, marquant la même note à deux candidats qui lui paraissent aussi bons géomètres l’un que l’autre, mettant une meilleure note à celui-ci qu’à celui-là, si le premier lui semble meilleur géomètre que le second.

Ces pièces d’étoffe sont rouges et d’un rouge plus ou moins intense ; le marchand qui les range sur ses rayons leur attribue des numéros ; à chaque numéro correspond une nuance rouge bien déterminée ; plus