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la structure de la théorie physique

Il est cependant une science où la logique a atteint un degré de perfection qui rend l’erreur facile à éviter, facile à reconnaître lorsqu’elle a été commise : cette science est la Science des nombres, l’Arithmétique, avec l’Algèbre qui en est le prolongement. Cette perfection, elle le doit à un langage symbolique d’une extrême brièveté, où chaque idée est représentée par un signe dont la définition exclut toute ambiguïté, où chaque phase du raisonnement déductif est remplacée par une opération qui combine les signes suivant des règles rigoureusement fixes, par un calcul dont l’exactitude est toujours aisément vérifiable. Ce langage rapide et précis assure à l’Algèbre un progrès qui ignore, ou à peu près, les doctrines opposées et les luttes d’Écoles.

Un des titres de gloire des génies qui ont illustré le xvie et le xviie siècles a été de reconnaître cette vérité : La Physique ne deviendra point une science claire, précise, exempte des perpétuelles et stériles disputes dont elle avait été l’objet jusqu’alors, capable d’imposer ses doctrines au consentement universel des esprits, tant qu’elle ne parlera pas le langage des géomètres. Ils ont créé la véritable Physique théorique en comprenant qu’elle devait être une Physique mathématique.

Créée au xvie siècle, la Physique mathématique a prouvé qu’elle était la saine méthode physique par les progrès prodigieux et incessants qu’elle a faits dans l’étude de la nature. Aujourd’hui, il serait impossible, sans heurter le bon sens le plus vulgaire, de nier que les théories physiques se doivent exprimer en langage mathématique.

Pour qu’une théorie physique se puisse présenter sous la forme d’un enchaînement de calculs algé-