Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
théories abstraites et modèles mécaniques

rigoureusement déduites, nous retrouvons toujours cet ensemble confus de tendances, d’aspirations, d’intuitions ; aucune analyse n’est assez pénétrante pour les séparer les unes des autres, pour les décomposer en éléments plus simples ; aucun langage n’est assez précis et assez souple pour les définir et les formuler ; et cependant, les vérités que ce sens commun nous révèle sont si claires et si certaines que nous ne pouvons ni les méconnaître, ni les révoquer en doute ; bien plus, toute clarté et toute certitude scientifiques sont un reflet de leur clarté et un prolongement de leur certitude.

La raison n’a donc point d’argument logique pour arrêter une théorie physique qui voudrait briser les chaînes de la rigueur logique ; mais la « nature soutient la raison impuissante et l’empêche d’extravaguer jusqu’à ce point[1] ».

  1. Pascal : Pensées, édition Havet, art. 8.