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théories abstraites et modèles mécaniques

de phénomènes a peut-être été, de tous les procédés mis on œuvre pour construire des théories physiques, la méthode la plus sure et la plus féconde.

Ainsi, c’est l’analogie entrevue entre les phénomènes produits par la lumière et ceux qui constituent le son qui a fourni la notion d’onde lumineuse dont Huygens a su tirer un merveilleux parti ; plus tard, c’est cette même analogie qui a conduit Malebranche, et ensuite Young, à représenter une lumière monochromatique par une formule semblable à colle qui représente un son simple.

Une similitude entrevue entre la propagation de la chaleur et la propagation de l’électricité au sein des conducteurs a permis à Ohm de transporter de toute pièce à la seconde catégorie de phénomènes les équations que Fourier avait écrites pour la première.

L’histoire des théories du magnétisme et de la polarisation diélectrique n’est que le développement des analogies, dès longtemps entrevues par les physiciens, entre les aimants et les corps qui isolent l’électricité ; grâce à cette analogie, chacune des deux théories a bénéficié des progrès de l’autre.

L’emploi de l’analogie physique prend parfois une forme encore plus précise.

Deux catégories de phénomènes très distinctes, très dissemblables, ayant été réduites en théories abstraites, il peut arriver que les équations où se formule l’une des théories soient algébriquement identiques aux équations qui expriment l’autre. Alors, bien que ces deux théories soient essentiellement hétérogènes par la nature des lois qu’elle coordonnent, l’algèbre établit entre elles une exacte correspondance ; toute propo-