Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
théories abstraites et modèles mécaniques

cules, leurs mouvements et leurs chocs, a été très grande dans la création et le développement de ces théories. En nous suggérant une telle supposition, le Rapport de M. Picard reflète très exactement les opinions qui sont émises chaque jour dans les cours et les laboratoires. Mais ces opinions sont sans fondement. À la création et au développement des deux doctrines qui nous occupent, l’emploi des modèles mécaniques n’a presque aucunement participé.

L’idée de la continuité entre l’état liquide et l’état gazeux s’est présentée à l’esprit d’Andrews par une induction expérimentale ; ce sont aussi l’induction et la généralisation qui ont amené James Thomson à concevoir l’isotherme théorique ; d’une doctrine qui est le type des théories abstraites, de la Thermodynamique, Gibbs déduisait une exposition parfaitement enchaînée de cette nouvelle partie de la Physique, tandis que la même Thermodynamique fournissait à Maxwell une relation essentielle entre l’isotherme théorique et l’isotherme pratique.

Tandis que la Thermodynamique abstraite manifestait ainsi sa fécondité, M. Van der Waals abordait de son côté, au moyen de suppositions sur la nature et le mouvement des molécules, l’étude de la continuité entre l’état liquide et l’état gazeux ; l’apport des hypothèses cinétiques à cette étude consistait en une équation de l’isotherme théorique, équation d’où se déduisait un corollaire, la loi des états correspondants ; mais, au contact des faits, on dut reconnaître que l’équation de l’isotherme était trop simple et la loi des états correspondants trop grossière pour qu’une Physique soucieuse de quelque exactitude pût les conserver.

L’histoire de la pression osmotique n’est pas moins