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théories abstraites et modèles mécaniques

damneront à être des esprits à la fois faibles et étroits, c’est-à-dire des esprits faux.

Aux industriels qui n’ont cure de la justesse d’une formule pourvu qu’elle soit commode, nous rappellerons que l’équation simple, mais fausse, c’est, tôt ou tard, par une revanche inattendue de la logique, l’entreprise qui échoue, la digue qui crève, le pont qui s’écroule ; c’est la ruine financière, lorsque ce n’est pas le sinistre qui fauche des vies humaines.

Enfin, aux utilitaires qui croient faire des hommes pratiques en n’enseignant que des choses concrètes, nous annoncerons que leurs élèves seront tout au plus des manœuvres routiniers, appliquant machinalement des recettes incomprises ; car, seuls, les principes abstraits et généraux peuvent guider l’esprit en des régions inconnues et lui suggérer la solution de difficultés imprévues.



§ IX. — L’usage des modules mécaniques est-il fécond en
découvertes ?

Pour apprécier avec justice la théorie physique imaginative, ne la prenons pas telle que nous la présentent ceux qui en prétendent faire usage sans posséder, pour la traiter dignement, l’amplitude d’esprit qu’il faudrait. Considérons-la telle que l’ont faite ceux dont la puissante imagination l’a engendrée, et, particulièrement, les grands physiciens anglais.

Au sujet des procédés que les Anglais emploient pour traiter la Physique, il est une opinion aujourd’hui banale ; selon cette opinion, l’abandon du souci d’unité