Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
théories abstraites et modèles mécaniques

pensée ; je pourrais en citer beaucoup d’autres ; ainsi, qui se douterait, en lisant les pages consacrées à la polarisation rotatoire magnétique, qu’il y a identité entre les phénomènes optiques et magnétiques ? »

Le Traité d’Électricité et de Magnétisme de Maxwell a beau avoir revêtu la forme mathématique ; pas plus que les Leçons sur la Dynamique moléculaire de W. Thomson, il n’est un système logique ; comme ces Leçons, il se compose d’une suite de modèles, dont chacun figure un groupe de lois, sans souci des autres modèles qui ont servi à figurer d’autres lois, qui, parfois, ont représenté ces mêmes lois ou quelques-unes d’entre elles ; seulement, ces modèles, au lieu d’être construits avec des gyrostats, des ressorts à boudin, de la glycérine, sont des agencements de signes algébriques. Ces diverses théories partielles, dont chacune se développe isolément, sans souci de celle qui l’a précédée, recouvrant parfois une partie du champ que celle-ci a déjà couvert, s’adressent bien moins à notre raison qu’à notre imagination. Ce sont des tableaux, et l’artiste, en composant chacun d’eux, a choisi avec une entière liberté les objets qu’il représenterait et l’ordre dans lequel il les grouperait ; peu importe si l’un de ses personnages a déjà posé, dans une attitude différente, pour un autre tableau ; le logicien serait mal venu de s’en choquer ; une galerie de tableaux n’est pas un enchaînement de syllogismes.



§ VIII. — La diffusion des méthodes anglaises.

L’esprit anglais est nettement caractérisé par l’ampleur de la faculté qui sert à imaginer les ensembles