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théories abstraites et modèles mécaniques

nez, qu’une illustration mécanique grossière. Je vais donner un autre modèle mécanique, bien que je le croie très éloigné du mécanisme réel des phénomènes. » Tout au plus cède-t-il quelquefois à l’espoir que ces modèles ingénieusement imaginés indiquent la voie qui conduira, dans un avenir éloigné, à une explication physique du monde matériel[1].

La multiplicité et la variété des modèles proposés par W. Thomson pour figurer la constitution de la matière n’étonne point extrêmement le lecteur français, car, très vite, il reconnaît que le grand physicien n’a point prétendu fournir une explication acceptable pour la raison, qu’il a voulu seulement faire œuvre d’imagination. Son étonnement est autrement profond et durable lorsqu’il retrouve la même absence d’ordre et de méthode, la même insouciance de la logique non plus dans une collection de modèles mécaniques, mais dans une suite de théories algébriques. Comment concevrait-il, en effet, la possibilité d’un développement mathématique illogique ? De là, le sentiment de stupeur qu’il éprouve en étudiant un écrit comme le Traité d’Électricité de Maxwell :

« La première fois qu’un lecteur français ouvre le livre de Maxwell, écrit M. Poincaré[2], un sentiment de malaise, et souvent même de défiance, se mêle d’abord à son admiration… »

« Le savant anglais ne cherche pas à construire un

  1. W. Thomson : Scientific Papers, vol. III, p. 510.
  2. H. Poincaré : Électricité et Optique, I. Les théories de Maxwell et la théorie électro-magnétique de la lumière. Introduction, p. viii. — Le lecteur désireux de connaître à quel degré l’insouciance de toute logique, et même de toute exactitude mathématique, était portée dans l’esprit de Maxwell, trouvera de nombreux exemples dans l’écrit suivant : P. Duhem : Les Théories électriques de J. Clerk Maxwell. Étude historique et critique, Paris, 1902.