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théories abstraites et modèles mécaniques

de lois, et un autre modèle, tout différent du précédent, pour représenter un autre groupe de lois, et cela lors même que certaines lois seraient communes aux deux groupes. Pour un géomètre de l’École de Laplace ou d’Ampère, il serait absurde de donner d’une même loi deux explications théoriques distinctes et de soutenir que ces deux explications sont valables simultanément ; pour un physicien de l’École de Thomson ou de Maxwell, il n’y a aucune contradiction à ce qu’une même loi se laisse figurer par deux modèles différents. Il y a plus ; la complication ainsi introduite dans la science ne choque nullement l’Anglais ; elle a bien plutôt pour lui le charme de la variété ; car son imagination, bien plus puissante que la nôtre, ignore notre besoin d’ordre et de simplicité ; elle se retrouve aisément là où la nôtre se perdrait.

De là, dans les théories anglaises, ces disparates, ces incohérences, ces contradictions que nous sommes portés à juger sévèrement parce que nous cherchons un système rationnel là où l’auteur n’a voulu nous donner qu’une œuvre d’imagination.

Voici, par exemple, une suite de leçons[1] consacrées par W. Thomson à exposer la Dynamique moléculaire et la théorie ondulatoire de la lumière. Le lecteur français, qui feuillette les notes de cet enseignement, pense qu’il y va trouver un ensemble d’hypo-

  1. W. Thomson : Notes of Lectures on molecular Dynamics and the Wawe Theory of Light, Baltimore, 1884. Le lecteur pourra également consulter : Sir W. Thomson (lord Kelvin) : Conférences scientifiques et allocutions, traduites et annotées sur la deuxième édition par P. Lugol ; avec des extraits de mémoires récents de Sir W. Thomson et quelques notes, par M. Brillouin : Constitution de la Matière, Paris, Gauthier-Villars, 1893.