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théories abstraites et modèles mécaniques

vention de ce nouvel élément, l’électrodynamique est bouleversée ; des phénomènes, que l’expérience n’avait même pas entrevus, que Hertz découvrira seulement vingt ans plus tard, sont annoncés ; on voit germer une théorie nouvelle de la propagation des actions électriques dans les milieux non conducteurs, et cette théorie conduit à une interprétation imprévue des phénomènes optiques, à la théorie électromagnétique de la lumière.

Sans doute, cet élément si nouveau, si imprévu, dont l’étude se montre si féconde en conséquences surprenantes et importantes, Maxwell ne le fera entrer dans ses équations qu’après l’avoir défini et analysé avec les plus minutieuses précautions. — Ouvrez le mémoire où Maxwell a exposé sa théorie nouvelle du champ électromagnétique, et vous n’y trouverez, pour justifier l’introduction des flux de déplacement dans les équations de l’Électrodynamique, que ces deux lignes :

« Les variations du déplacement électrique doivent être ajoutées aux courants pour obtenir le mouvement total de l’électricité. »

Comment expliquer cette absence presque complète de définition, même lorsqu’il s’agit des éléments les plus nouveaux et les plus importants, cette indifférence à la mise en équations d’une théorie physique ? La réponse ne nous semble pas douteuse : Tandis que, pour le physicien français ou allemand, la partie algébrique d’une théorie est destinée à remplacer exactement la suite de syllogismes par laquelle cette théorie se développerait, pour le physicien anglais, elle tient lieu de modèle ; elle est un agencement de signes, saisissables à l’imagination, dont le jeu, conduit selon les