Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
l’objet de la théorie physique


§ VI. — L’École anglaise et la Physique mathématique.

Pascal a fort justement regardé l’amplitude d’esprit comme la faculté mise en jeu en une foule de recherches géométriques ; plus nettement encore, elle est la qualité qui caractérise le génie du pur algébriste. Il ne s’agit pas, pour l’algébriste, d’analyser des notions abstraites, de discuter l’exacte portée de principes généraux, mais de combiner habilement, selon des règles fixes, des signes susceptibles d’être tracés avec la plume ; pour être grand algébriste, point n’est besoin de force d’esprit ; une grande amplitude suffit ; l’habileté au calcul algébrique n’est pas un don de la raison, mais un apanage de la faculté imaginative.

Il n’est donc pas étonnant que l’habileté algébrique soit fort répandue parmi les mathématiciens anglais ; elle se manifeste non seulement par le nombre de très grands algébristes que compte la science anglaise, mais encore par la prédilection des Anglais pour les diverses formes du calcul symbolique.

Un mot d’explication à ce sujet.

Un homme dont l’esprit n’est point ample jouera plus aisément aux dames qu’aux échecs. Lorsqu’en effet il voudra combiner un coup au jeu de dames, les éléments dont il aura à former sa combinaison seront de deux espèces seulement, la marche du pion et la marche de la dame qui, toutes deux, suivent des règles très simples. Au contraire, la tactique des échecs combine autant d’opérations élémentaires distinctes qu’il y a de sortes de pièces, et certaines de ces opéra-