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l’objet de la théorie physique

La théorie purement abstraite que Newton a prônée, que nous avons longuement étudiée, paraîtra bien peu intelligible aux adeptes de cette École.

« Il est, écrit W. Thomson[1], une classe de théories qui ont pour fondements un petit nombre de généralisations de l’expérience ; ces théories sont, aujourd’hui, très usitées ; dans certains cas, elles ont donné des résultats nouveaux et importants, que l’expérience a vérifiés ultérieurement. Telles sont la théorie dynamique de la chaleur, la théorie ondulatoire de la lumière, etc. La première repose sur cette conclusion de l’expérience que la chaleur est une forme de l’énergie ; elle renferme beaucoup de formules qui sont, pour le moment, obscures et sans interprétation possible, parce que nous ne connaissons pas les mouvements et les déformations des molécules des corps… La même difficulté se rencontre dans la théorie de la lumière. Avant que nous puissions dissiper l’obscurité de cette théorie, il nous faudrait connaître quelque chose de la constitution ultime ou moléculaire des corps ou groupes de molécules ; jusqu’à présent, les molécules ne nous sont connues que sous forme d’agrégats. »

Cette prédilection pour les théories explicatives et mécaniques n’est pas, assurément, un caractère qui suffise à distinguer les doctrines anglaises des traditions scientifiques qui fleurissent en d’autres pays ; les théories mécaniques ont revêtu leur forme la plus absolue en un génie français, le génie de Descartes ; le Hollandais Huygens et l’École suisse des Bernoulli

  1. W. Thomson and P.-G. Tait : Treatise on natural Philosophy, vol. I, Ire part., art. 385.