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que Sosigène et Xénarque avaient depuis longtemps opposée à l’Astronomie des excentriques et des épicycles, montrant que la réalité de celle-ci ne se pouvait concilier avec la vérité de celle-là. Le réalisme des astronomes arabes devait nécessairement provoquer les Péripatéticiens de l’Islam à une lutte ardente et sans merci contre les doctrines de l’Almageste.

La lutte dura pendant tout le xiie siècle.

Maïmonide nous apprend qu’Ibn Bâdja (l’Avempace des Scolastiques latins) avait rejeté les épicycles comme incompatibles avec les principes de la Physique d’Aristote. Au dire d’Averroès et d’Al Bitrogi, Abou Bekr ibn Tofaïl (l’Abou Bacer de l’École) était allé plus loin ; il avait tenté de construire une Astronomie d’où les épicycles et les excentriques fussent également bannis.

Averroès avait été tout particulièrement soumis à l’influence des sages qui repoussaient les hypothèses de l’Almageste. « Par sa philosophie[1], il relève directement d’Ibn Bâdja ; Ibn Tofaïl fut l’artisan de sa fortune. » Sa formation intellectuelle le prédisposait donc à la lutte contre le système de Ptolémée.

Il n’y était pas moins disposé par son admiration fanatique pour Aristote. Aristote, dit Ibn Roschd (Averroès) dans la préface de son commentaire à la Physique, « a fondé et achevé la Logique, la Physique et la Métaphysique. Je dis qu’il les a fondées, parce que tous les ouvrages qui ont été écrits avant lui sur ces sciences ne valent pas la peine qu’on en parle et ont été éclipsés par ses propres écrits. Je dis qu’il les a achevées, parce qu’aucun de ceux qui l’ont suivi jusqu’à notre temps, c’est-à-dire pendant près de quinze cents ans, n’ont pu rien ajouter à ces écrits, ni y trouver une erreur de quelque importance. »

Celui qui avait écrit ces lignes ne pouvait manquer de regarder comme erronées toutes les suppositions qu’Hipparque et Ptolémée avaient substituées aux principes posés dans le Περἱ Οὑραυοῦ.

  1. Ernest Renan, Averroès et l’Averroïsme, essai historique ; Paris, 1852 ; p. 11.