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l’astronome et la méthode du physicien ; si nous voulons vraiment pénétrer cette pensée, il nous faut examiner comment elle a été mise en pratique en l’œuvre même du Stagirite.

Eudoxe qui l’a précédé de peu et dont il a longuement étudié les théories, Calippe qui fut son contemporain et son ami, ont exactement suivi la méthode de l’astronome, telle que Platon l’avait définie ; cette méthode est donc parfaitement familière à Aristote. Mais, de son côté, il en pratique une autre. Il exige que l’Univers soit sphérique, que les orbes célestes soient solides, que chacun d’eux ait un mouvement circulaire et uniforme autour du centre du Monde, que ce centre soit occupé par une Terre immobile. Ce sont autant de conditions restrictives qu’il impose aux hypothèses des astronomes, et il n’hésiterait pas à rejeter une combinaison de mouvements qui prétendrait s’affranchir de quelqu’une de ces conditions. S’il les impose, cependant, ce n’est pas qu’elles lui semblent indispensables pour sauver les apparences que les observateurs constatent ; c’est qu’elles sont exigées, selon lui, par la perfection de l’essence dont les cieux sont formés et par la nature du mouvement circulaire. Tandis qu’Eudoxe et Calippe, suivant la méthode de l’astronome, contrôlent leurs hypothèses en examinant si elles sauvent les apparences, Aristote prétend diriger le choix de ces hypothèses par des propositions qu’ont justifiées certaines spéculations sur la nature des corps ; sa méthode est celle du physicien.

À côté de la méthode de l’astronome, y a-t-il avantage à introduire cette nouvelle méthode qui, par une autre voie, se propose de résoudre le même problème ? On en pourrait douter si la méthode de l’astronome était capable de donner une réponse exempte d’ambiguïté à la question que Platon lui a posée. Mais s’il n’en est pas ainsi, s’il est possible de sauver également les apparences au moyen de diverses combinaisons de mouvements circulaires et uniformes, comment choisira-t-on entre ces hypothèses différentes, mais également satisfaisantes au jugement de l’astronome? Ne faudra-t-il pas, pour ce choix, recourir à la décision du