J’ai vu cela, Bouchentou, mon frère. Je ne l’oublierai pas. J’ai vu aussi pendre et peser comme une guenille inerte, ce douloureux bras gauche qu’il l’avait bien fallu lâcher, pour avoir une main à donner.
Avoir plus de quarante ans, être un commerçant sérieux, posé dans tout son quartier, être à la tête d’une prospère maison de comestibles, et recevoir deux éclats d’obus — respectivement dans la fesse gauche et dans le dos, — c’est un grand malheur, et c’est pourtant ce qui est arrivé à M. Lévy, fantassin et territorial.
C’est à cause de son âge et de son air respectable, que je n’ai jamais tutoyé M. Lévy ; c’est peut-être aussi pour conserver une autorité dont je sentais un grand et particulier besoin.
Monsieur Lévy n’a pas été toujours « un bon malade ». Il m’a, dès l’abord, supplié de ne le toucher « à aucun prix ».
J’ai passé outre et j’ai fait les choses nécessaires. Monsieur Lévy, pendant toute cette affaire, ron-