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sa guérison… Autorisation que le médecin-chef n’avait pas cru pouvoir lui donner.

Bouchentou avait subi une longue torture pour conserver un bras partiellement désossé et dont on escomptait néanmoins quelques services. Il criait comme les autres, et son cri était : « Mohabdi ! Mohabdi ! » Il disait à l’approche de la pince : « Mets pas ça là-dedans ! » et s’en tenait le reste du temps à un silence fait de dignité et de paresse. Dans la journée, on le voyait errer par les salles, soutenant de sa main valide le bras fantôme emmailloté. Le soir, il apprenait à jouer aux dames, parce que c’est un jeu muet, grave et qui demande de la réflexion.

Or, un jour que Bouchentou, assis sur une chaise, attendait que son pansement fût refait, le pauvre adjudant Figuet se mit à se plaindre, avec une voix qui n’était plus que l’ombre de sa voix, comme son corps n’était plus que l’ombre d’un corps.

Figuet rampait alors sur les pentes d’un calvaire où il devait bientôt tomber, une fois de plus, et pour ne plus se relever.

Un courage, une endurance invraisemblables