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de morgue. On exposait les cadavres dans la chapelle du cimetière, en attendant que la fosse fût prête. Le cimetière militaire s’était installé dans l’enceinte de l’église, à même le cimetière civil, et, en quelques semaines, il l’avait envahi comme un cancer et menaçait de le dévorer.

Rachid avait pensé à tout et c’est pourquoi il cherchait Monet et Renaud, prêtres catholiques, infirmiers de seconde classe.

La rencontre eut lieu au pied du grand escalier. Penché sur la rampe j’écoutais et je regardais le conciliabule des dieux ennemis.

Monet avait une trentaine d’années, un beau regard sombre et une barbe drue d’où sortait une pipe. Renaud portait un peu de côté une mince figure de séminariste.

Monet et Renaud écoutaient gravement, comme des gens qui décident au nom du Père. Rachid plaidait pour son mort avec une éloquence sinueuse, enveloppée d’un nuage de tabac :

— On ne pouvait pas laisser le corps de l’arabe sous un fourgon, dans les rafales de pluie… Cet homme était mort pour le pays, à son poste… Il avait droit à tous les honneurs et c’était déjà