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Puis, avec l’accent de son pays, il dit d’une voix humide et trébuchante :

— J’ai déjà donné un œul, si faut encore que je donne ma main…

Le seul œil qui lui reste se remplit de larmes. Et, comme j’aperçois la main qui n’est pas blessée, je la serre doucement, avant de m’en aller.


VII


Quand j’approche mes doigts de son œil crevé, Croin fait un petit mouvement en arrière.

— N’aie pas peur, lui dis-je !

— Oh ! je n’ai pas peur.

Et il ajoute avec une fierté tranquille :

— Quand on a vécu à la côte 108, on ne peut plus avoir peur de rien.

— Pourquoi recules-tu donc ?

— C’est l’tête qui se recule tout seul. Moi, j’y pense pas.

Et c’est vrai : l’homme n’a plus peur, mais la chair reste craintive.

Quand le bandeau est bien placé, ce qui reste visible du visage de Croin est agréable, jeune, char-