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BOBINE… C’est Mehay qui apprend à lire avant d’aller se coucher.


VI


On a laissé une lampe allumée, parce que les hommes ne dorment pas encore et qu’ils fument un peu. Il faut bien voir sa fumée, sans cela on ne fumerait pas…

L’ancienne chambre de la dame de céans fait une salle bien claire et bien propre. Sous les draperies relevées au plafond et voilées de linge blanc, le père Louarn attend, immobile, que ses trois membres brisés se recollent. Il fume une cigarette dont toutes les cendres lui tombent sur la poitrine. Pour excuser les petits tas d’ordures qui font de son lit le désespoir des infirmiers, il me dit :

— Un breton, il faut bien qu’il soit un peu sale.

Je touche aux poids qui tirent sur sa cuisse, et il s’écrie :

— Ma doué ! Ma doué ! Caste ! Caste !

Ce sont des espèces de jurons, à lui, qui font rire tout le monde, et dont il rit le premier. Il ajoute, comme tous les jours :