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victoire ne viendra pas comme ça tout de suite.

Mais Tricot n’avait ni alliés, ni réserves ; il était tout seul, tout maigre et si épuisé qu’un jour vint où il passa insensiblement de l’état de blessé à l’état d’agonisant.

C’est juste à ce moment qu’il lui poussa un bouton sur le nez.

Tricot avait supporté les plus grandes disgrâces avec courage ; il fut tout d’un coup sans force devant ce mince surcroît de douleur.

— Monsieur, me disait en bégayant de découragement l’infirmier qui le soignait, je vous dis que ce bouton-là, c’est… l’étincelle qui fait déborder le vase…

Et, en vérité, le vase déborda. Cette douleur n’était pas due. Tricot se mit à se plaindre, et, dès cet instant, je le vis perdu.

Je lui demandais plusieurs fois par jour, songeant à toutes ses plaies : « Comment va, petit père ? » Et lui me répondait, ne songeant plus qu’au bouton :

— Mal, mal ! Le bouton, il grossit.

En fait, la pointe du bouton devenait blanche, et je voulus la percer d’une aiguille.