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À mots voilés, je parle à Carré de l’encombrante jambe empoisonnée. Il montre un rire sans dents, et tranche, pour sa part d’un seul coup :

— Si c’est donc qu’elle gêne, la malheureuse, il faudra bien la rogner.

Avec cet assentiment, on s’y décidera sans doute.


*


Cependant, Lerondeau glisse doucement vers le salut.

Couché sur le dos, maintenu dans les linges et la gouttière, emprisonné par les coussins, il a quand même l’air d’un navire que la marée va mettre à flot dès l’aurore.

Il engraisse et, fait surnaturel, semble cependant de plus en plus léger. Il apprend à ne plus gémir, non pas que son âme fragile se hausse, mais parce que la bête est mieux nourrie et plus robuste.

Il a d’ailleurs une conception sommaire de l’énergie. Dès que j’entends son premier cri, dans la salle moite où l’on fait son pansement, je le réconforte du regard, et dis :