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dre, il retient ses cris et les lui emprunte. Je l’entends donc qui commence :

— Oh ! le pauvre genou… Ils ne savent pas ce qu’il me fait mal…

Un matin où il s’en donnait à pleine gorge, je lui ai demandé sérieusement :

— Pourquoi fais-tu les mêmes cris que Carré ?

Marie n’est qu’un paysan, mais il m’a montré une figure réellement offensée :

— Ce n’est pas vrai ! Je fais pas les mêmes cris que lui…

Je n’ai rien ajouté, car il n’y a pas d’âmes si frustes qu’elles soient insensibles à certaines piqûres.


*


Marie m’a raconté sa vie et sa campagne. Comme il n’est pas très éloquent, cela ne fait qu’un murmure confus où revient sans cesse la même protestation :

— J’étais dur au travail, vous savez, dur comme une bête.

Et je ne peux pas imaginer qu’il y a eu un Marie