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Rappelez-vous le temps où le corps humain nous semblait fait pour le bonheur, où chacun de ses organes signifiait une fonction et une joie. Maintenant, toute partie du corps évoque le mal dont elle est menacée, et les souffrances particulières qu’elle engendre.

À part cela, elle est bonne pour jouer son rôle dans le drame laborieux : le pied pour porter l’homme à l’assaut ; le bras pour manœuvrer le canon ; l’œil pour surveiller l’adversaire ou pointer l’arme.

Naguère la mort ne faisait pas partie de la vie. On parlait d’elle à mots couverts. Son image était une chose aussi pénible qu’inconvenante, capable de troubler les projets et les plaisirs de l’existence. Elle opérait autant que possible dans l’ombre, le silence et la retraite. On la déguisait par des symboles ; on l’annonçait avec des périphrases laborieuses et empreintes d’une sorte de pudeur.

Aujourd’hui, la mort est intimement mêlée aux choses de la vie. Et cela est vrai, moins encore parce qu’elle fait quotidiennement une besogne immense, parce qu’elle choisit les êtres les plus jeunes et les mieux formés, parce qu’elle est une